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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/343

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SIXIÈME ENNÉADE.

objets elles s’occupent, mais encore il définit leur raison [essence]. Admettons qu’il soit facile de distinguer les arts d’après leurs raisons et d’après les notions qu’ils renferment ; pouvons-nous diviser de la même manière les qualités corporelles ? Lors même qu’on étudie le monde intelligible, il y a lieu de demander comment les raisons différentes se distinguent les unes des autres : on voit bien que le blanc diffère du noir ; mais en quoi en diffère-t-il ?

XVIII. Toutes les questions que nous venons de nous poser montrent qu’il faut sans doute chercher quelles sont les différences des êtres divers afin de les distinguer les uns des autres, mais qu’il est impossible et déraisonnable de chercher quelles sont les différences des différences elles-mêmes[1]. Nous ne saurions trouver des substances de substances, des quantités de quantités, des qualités de qualités, des différences de différences ; mais nous devons, toutes les fois que nous le pouvons, diviser les objets extérieurs soit d’après leurs effets, soit d’après tels ou tels caractères. Quand nous ne le pouvons pas, distinguons ces objets les uns des autres comme on distingue le vert foncé du vert pâle. — Mais comment distingue-t-on le blanc du noir ? — La sensation ou l’intelligence nous disent que ce sont là des choses différentes sans nous en faire connaître la raison : la sensation, parce que sa fonction n’est pas de faire connaître la raison des choses, mais seulement de nous les signaler de différentes manières ; l’intelligence, parce qu’elle

  1. Aristote dit dans sa Métaphysique (liv. VII, ch. 12) : « On voit donc que la définition est la notion fournie par les différences, et qu’il convient que ce soit celle de la dernière différence. » Plotin montre qu’on abuserait de ce principe en cherchant à tout définir, qu’on ne saurait trouver dans les qualités simples des différences essentielles qui fournissent les éléments d’une bonne définition. On peut rapprocher les réflexions très-sensées qu’il fait à cet égard de celles qu’on trouve sur le même sujet dans la Logique de Port-Royal, 1re partie, ch. 13.