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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/605

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SIXIÈME ENNÉADE.

comme on montre la route à celui qui désire aller voir un objet. L’enseignement en effet va bien jusqu’à nous montrer le chemin et nous guider dans la route ; mais obtenir la vision [de Dieu], c’est l’œuvre propre de celui qui a désiré l’obtenir.

Si votre âme ne parvient pas à jouir de ce spectacle, si elle n’a pas l’intuition de la lumière divine, si elle reste froide et n’éprouve pas en elle-même un ravissement analogue à celui de l’amant qui contemple l’objet aimé et qui se repose en son sein, ravissement qu’éprouve celui qui a vu la lumière véritable et dont l’âme a été inondée de clarté en s’approchant de cette lumière[1], c’est que vous avez tenté de vous élever à Dieu sans vous être débarrassé des entraves qui devaient vous arrêter dans votre marche et vous empêcher de contempler ; c’est que vous ne vous êtes pas élevé seul, mais que vous aviez retenu avec vous quelque chose qui vous séparait de Lui ; ou plutôt, c’est que vous n’étiez pas encore réduit à l’unité (εἰς ἕν συναχθείς (eis hen sunachtheis)). Car Lui, il n’est absent d’aucun être, et cependant il est absent de tous, en sorte qu’il est présent [à tous] sans être présent [à tous]. Il est présent pour ceux-là seuls qui peuvent le recevoir et qui y sont préparés, qui sont capables de se mettre en harmonie avec lui, de l’atteindre et de le toucher en quelque sorte en vertu de la conformité qu’ils ont avec lui, en vertu également d’une puissance innée analogue à celle

  1. On peut rapprocher de ce passage les lignes suivantes de Fénelon : « Déjà heureuse l’âme qui vous cherche, qui soupire et qui a soif de vous ! Mais pleinement heureuse celle sur qui rejaillit la lumière de votre face, dont votre main a essuyé les larmes, et dont votre amour a déjà comblé les délices ! Quand sera-ce, Seigneur ? Ô beau jour sans nuage et sans fin, et dont vous serez vous-même le soleil, et où vous coulerez au travers de mon âme comme un torrent de volupté ! » (De l’Existence de Dieu, 1re partie, fin.)