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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/514

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trie[1]. Quoique sa réputation fût la principale cause de l’envie qu’on lui portait, il donna pourtant lieu quelque-fois aux calomnies de ses ennemis : il refusait souvent les invitations du roi ; et, lorsqu’il allait à ses festins, son silence et sa gravité faisaient assez connaître qu’il n’approuvait pas ce qui s’y faisait, et qu’il n’y prenait aucun plaisir. Aussi Alexandre disait-il de lui :

Je hais le philosophe qui n’est pas sage pour lui-même[2].

Un jour que Callisthène soupait chez Alexandre avec un grand nombre de convives, on le pria de faire, la coupe à la main, l’éloge des Macédoniens : il traita ce sujet avec tant d’éloquence, que tous les assistants, s’étant levés de table, battirent des mains à l’envi, et lui jetèrent les couronnes. Alors Alexandre : « Quand on prend pour ses discours, comme dit Euripide[3],

Une magnifique matière, ce n’est pas grande merveille d’être éloquent


« Mais montre-nous, ajouta-t-il, le pouvoir de ton éloquence, en blâmant les Macédoniens, afin qu’instruits de leurs fautes, ils en deviennent meilleurs. » Alors Callisthène, chantant la palinodie, s’exprima en toute franchise sur les déportements des Macédoniens : il fit voir que les divisions des Grecs avaient été la seule cause de l’agrandissement et de la puissance de Philippe ; et il finit en rappelant ce vers[4] :

Dans la sédition, le plus scélérat lui-même a sa part aux honneurs.
  1. Callisthène était d’Olynthe, en Thrace, ville que les Macédoniens avaient fort maltraitée.
  2. Vers d’une des tragédies perdues d’Euripide. Cicéron, qui le cite, le donne comme un vers de la Médée ; mais il ne se trouve point dans celle que nous avons
  3. Bacchantes, vers 266.
  4. Ce vers, d’un auteur inconnu, a déjà été cité plusieurs fois.