Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/666

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rien répondre davantage, fit connaître, par son silence et par l’air de son visage, qu’il repoussait la demande. Alors Pompédius l’enleva dans ses bras, et le tint suspendu hors de la fenêtre, comme s’il allait le précipiter : « Me le promets-tu ? disait-il, ou je te laisse tomber. » Il prononça ces mots d’un ton de voix rude, en le secouant plusieurs fois hors de la fenêtre. Caton resta dans cette position un assez long temps, sans articuler un seul mot, sans donner aucun signe d’étonnement ni de crainte. Pompédius, en le remettant à terre, dit tout bas à ses amis : « Quel bonheur pour l’Italie qu’il ne soit encore qu’un enfant ! S’il était aujourd’hui un homme fait, je ne crois pas que nous eussions un seul suffrage pour nous dans le peuple. »

Un jour, un de ses parents, qui célébrait l’anniversaire de sa naissance, le pria du festin, avec d’autres enfants qui, n’ayant rien à faire, se mirent à jouer tous pêle-mêle, grands et petits, dans un coin de la maison. Leur jeu représentait un tribunal, où ils s’accusaient les uns les autres ; et ils mettaient en prison ceux qui étaient condamnés. Un de ces derniers, enfant d’une jolie figure, fut conduit dans une chambre, par un autre plus âgé, qui l’y enferma : il appela Caton, qui, se doutant de ce qui se passait, courut à la porte de la chambre, écartant tous ceux qui se mettaient devant lui pour l’empêcher d’entrer ; il en tira l’enfant, et, tout en colère, il l’emmena chez lui, et les autres s’y rendirent avec eux.

Son renom était déjà tel parmi ceux de son âge, que, Sylla voulant donner au peuple le spectacle de la course sacrée des enfants à cheval, que l’on appelle Troie[1], et ayant rassemblé pour cela les enfants des meilleures maisons, afin de les exercer pour le jour du spectacle, des deux capitaines qu’il avait désignés, l’un fut agréé par

  1. Voyez-en la description au cinquième livre de l’Énéide de Virgile.