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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/107

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et doit exercer la Triple-Entente en faveur de la paix, et il conclut en ces termes : « N’avons-nous pas entendu déclarer par des voix allemandes que l’heure est venue pour l’Allemagne de déployer sa force, que dans trois ou quatre années, il serait trop tard ? Cette pensée est certainement venue à l’esprit de ses hommes d’État, qui se reprochent peut-être de n’avoir pas, comme Bismarck, le courage de choisir leur heure. C’est pourquoi la Triple-Entente doit être sur ses gardes contre le danger possible d’une « guerre préventive »… Les grandes puissances, armées jusqu’aux dents, disent et répètent qu’elles ont l’intention de conserver la paix. Il est possible qu’il n’y en ait pas une qui mente à l’heure présente. À l’heure présente, c’est suffisant. La tâche de la Triple-Entente est de prolonger ce présent. Pratiquons et conseillons toutes les combinaisons pacifiques… Prenons très au sérieux le tribunal de la Haye. Par trois fois, il a empêché la guerre. Gagnons du temps. Le régime des armements à outrance finira par être intolérable aux peuples qu’il écrase. Nous verrons alors combien il est absurde, combien il est une tache sur notre civilisation, et alors nous pourrons parler de la limitation des armements. »

Le jour où le Times publiait ces lignes, le plus pacifique des Allemands, le prince Lichnowsky, ambassadeur à Londres, disait à M. Wickham Steed : « Quelle lettre stupide ce Lavisse a écrite à votre journal ! Quelle idée de parler de la limitation des armements ! » Il ne se doutait pas que cette lettre avait été rédigée en collaboration par M. Steed et par M. Lavisse. Bien mieux, ils étaient venus tous deux me la communiquer à l’Élysée, avant que j’eusse quitté Paris, et comme l’a rapporté