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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/122

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Fallodon a fait, avec autant d’humour que de sincérité, le récit de son séjour à Paris4. Ses souvenirs confirment et complètent les miens. À propos de la revue de Vincennes, il écrit5 : « Il n’y eut pas un seul cri chauvin. La réception fut très amicale, mais il n’y eut rien qui lui donnât le caractère d’un geste belliqueux ou d’une démonstration agressive. Une revue est, sans doute, un déploiement d’armes, mais c’est dans des occasions comme celle-ci une chose trop usuelle pour être guerrière… Ce qui toucha mon esprit, ce fut l’observation que je fis des deux cavaliers français qui trottaient aux côtés de la voiture où j’étais assis dans le cortège. Le Roi et le Président, M. Poincaré, étaient dans la première ; j’étais placé à côté du Premier ministre, M. Doumergue, dans une de celles qui suivaient. Nous allions lentement. Les deux mêmes soldats de cavalerie nous accompagnèrent tout le long du chemin à l’aller et au retour. L’un avait le teint basané, les cheveux noirs, le nez camus, le visage sans expression, le corps robuste : c’était le type du fils de la terre, un garçon fait pour labourer, semer, moissonner… L’autre était blond, de complexion fine, presque frêle ; il avait une physionomie sensitive, comme s’il eût été un artiste ou un poète, plutôt même un dilettante. Chacun remplissait avec son tempérament le devoir que lui imposait la conscription. Chacun devait être exercé à tuer ou à être tué en défendant son pays.