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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/133

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de la municipalité. Avant toute cérémonie, je m’arrête sur la place Carnot, et au pied du monument qui évoque la mémoire de mon illustre prédécesseur, je dépose silencieusement une gerbe de fleurs. Ce simple geste déchaîne l’enthousiasme de la foule. Mais moi, le cœur serré, je me rappelle les heures tragiques que j’ai passées la nuit de l’assassinat. J’étais ministre des Finances. Le Président du Conseil, M. Charles Dupuy, était à Lyon, auprès de M. Sadi-Carnot. Au premier bruit de l’attentat, je m’étais précipité au ministère de l’Intérieur, et j’étais resté en communication téléphonique avec la Préfecture du Rhône, d’où j’avais reçu, de minute en minute, des nouvelles plus alarmantes. Puis, j’avais appris la mort et, après avoir recommandé à tous les préfets de chercher à prévenir sur les chantiers des rixes entre les ouvriers français et les compatriotes de Caserio, j’étais rentré chez moi, l’âme bouleversée, pendant que l’aube blanchissait la colline de Montmartre. Comme tout cela est loin et qui m’eût dit alors que, vingt ans après, je viendrais moi-même à Lyon comme successeur du Président qui, le premier, m’avait confié un portefeuille !

Au banquet de six cents couverts, qui m’est offert dans les salons de l’Hôtel de Ville, M. Herriot me porte un toast de forme élégante et de généreuse inspiration. Je rappelle, dans ma réponse, la cordiale réception qui m’a déjà été faite à Lyon, trois années auparavant, alors que, simple sénateur, j’y suis venu présider la Société d’enseignement professionnel. Je me prévaux de ma longue collaboration à un grand journal local, le Lyon républicain, où j’ai régulièrement publié des chroniques de politique étrangère ; puis, en un