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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/73

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contrairement à l’intérêt du pays, l’abrogation du service de trois ans.

La notification prescrite par les Puissances a été faite hier à Constantinople. Et ensuite ? Ensuite on verra. Vivre au jour le jour, n’est-ce pas, aujourd’hui, le sort de l’Europe ?


Mardi 17 février

M. G. Doumergue informe le Conseil que le grand vizir a répondu à la communication des Puissances par une note assez ambiguë. Il y est dit, en style balancé, d’une part que le gouvernement ottoman prend acte du fait que l’Europe a décidé de restituer à la Turquie les îles d’Embros, de Tenedos et de Kastellorizo, et d’autre part, que, pour Chio et Mitylène, le même gouvernement, « conscient de ses devoirs et appréciant les bienfaits de la paix, s’efforcera de faire valoir ses justes et légitimes revendications ». Bien habile qui dira si cette phrase menace l’Europe de la résistance ou lui promet la résignation.


Jeudi 19 février

Le prince de Wied, qui va, la semaine prochaine, à la découverte de l’Albanie, revient d’Angleterre, où il a rendu visite au Roi. Il s’arrête à Paris et se présente à moi. Je le retiens à déjeuner avec quelques convives. C’est un grand Allemand, jeune encore, aux allures assez distinguées, mais à l’air timide et embarrassé, avec une certaine raideur militaire. Artiste et musicien plutôt que diplomate, tout à fait ignorant du pays sur lequel il doit, par la grâce des Empires du centre, régner comme prince sérénissime ou comme roi, — en tout cas, comme mbret, — il n’a rien d’un conquérant, ni même d’un chef. Je lui demande s’il connaît déjà l’Albanie. « Non », me dit-il, et