Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/121

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preuve. Il n’est pas douteux que depuis quarante ans la production ne se soit fortement accrue ; peut-être même est-elle proportionnellement plus forte aujourd’hui qu’en 1820. Et pourtant il est certain pour tous ceux qui ont vécu sous la Restauration, que la gêne est plus grande dans toutes les classes de la société qu’elle ne l’était sous le règne de Louis XVIII. D’où vient cela ? C’est que, comme je viens de le dire, les mœurs, dans les classes moyennes et inférieures, se sont raffinées, et qu’en même temps, par des causes qui seront expliquées tout à l’heure, la loi d’équilibre étant de plus en plus méconnue et enfreinte, la loi de tempérance foulée aux pieds, la pauvreté est devenue plus onéreuse, et de bienfaisante que l’a voulue la nature s’est changée en supplice. Nous avons exagéré le superflu, nous n’avons plus le nécessaire. S’il fallait appuyer ce fait de quelques détails, je citerais, en regard des soixante mille brevets d’invention et de perfectionnement pris depuis la loi de 1791, de la multiplication des machines à vapeur, de la construction des chemins de fer, du développement de la spéculation financière, la dette publique doublée, le budget de l’état porté de un milliard à deux, le prix des loyers et de tous les objets de consommation augmenté de 50 à 190 pour 100, le tout aboutissant à un état de marasme avoué et de crise perpétuelle.

Ainsi, par une destination de la nature, toute nation, civilisée ou barbare, quels que soient ses institutions et son gouvernement, est pauvre, d’autant plus pauvre qu’en s’éloignant de l’état primitif, qui est l’abondance, elle a fait plus de progrès, par le travail, dans la richesse. A mesure que la population des États-Unis d’Amérique, aujourd’hui la plus comblée de la terre, se multiplie et s’empare du sol, la proportion des ressources naturelles diminuant, la loi du travail devient plus instante, et, signe infaillible de pauvreté, ce qui se donnait auparavant