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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/151

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d’attribuer à des causes aussi inconsistantes un phénomène tel que la guerre, qui, ne l’oublions, pas, embrasse la physiologie et la psychologie de l’humanité, et que régit un droit réel, le droit de la force.

Je crois donc être dans le vrai en faisant observer que les considérations de droit international sur lesquelles s’appuient presque exclusivement les déclarations de guerre, se lient par les rapports les plus intimes aux considérations de l’ordre économique ; en sorte que, si les motifs politiques peuvent être regardés comme la cause apparente de la guerre, les besoins économiques en sont la cause secrète et première, sur laquelle, au fond, personne ne se trompe.

C’est un fait reconnu par la statistique que les attentats à la propriété diminuent quand le bien-être des masses augmente. Quiconque a de quoi vivre, en général, s’occupe peu du voisin. Il en est ainsi des peuples. De même qu’il n’arriverait pas de révolution dans un État, si les besoins des citoyens étaient satisfaits ; de même aussi il n’y aurait pas de guerre entre les États, s’ils n’y étaient poussés par une force qui les domine. Garantissez à une nation la liberté, la sécurité et le vivre, elle ne s’inquiétera pas de ce que font celles qui la touchent. Elle ne parlera ni de fusion, ni d’incorporation, ni de rectification de frontières ; elle fera même assez bon marché de sa propre nationalité, témoin les paysans de Gallicie, contents de devenir autrichiens pourvu qu’on les délivre de leurs seigneurs ; témoin ceux de Lombardie, maudissant leurs propriétaires et se souciant du roi comme de l’empereur.

La nationalité, hélas ! ne devient susceptible, l’esprit de guerre ne s’empare du prince et du peuple que lorsqu’il y a péril pour la subsistance et la propriété, insuffisance de débouché ou de territoire. Alors se posent les questions de prééminence, d’équilibre, de colonies, etc., lesquelles,