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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/193

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Je dis donc qu’indépendamment des motifs secrets qui ont dirigé dans ces deux campagnes l’empereur Napoléon, il était, par son origine, par son nom, par son titre, par les conditions de son existence, induit à les entreprendre, plus que n’avaient été le gouvernement de Louis-Philippe et la république elle-même ; que le véritable auteur des campagnes de Crimée et de Lombardie ce n’est pas l’empereur, mais la situation, mais la nation ; que si la masse n’a pas été consultée, elle a applaudi ; que si elle a applaudi, c’est qu’elle a cru voir dans ces deux campagnes une guerre à la contre-révolution, à l’aristocratie européenne, aux despotes coalisés, à tout ce qu’elle a appris à détester depuis I789. Elle l’a si bien cru, qu’aujourd’hui le gouvernement impérial se prévaut de cette opinion populaire pour présenter sa politique comme une politique révolutionnaire, émancipatrice, démocratique, je dirais presque sociale, pendant que les attardés du Sénat et du Corps législatif s’efforcent de le retenir dans les sentiments de réaction qui semblaient l’animer en 1852, 1855 et 1859.

Or, que signifie ce mot, la Révolution, dans l’esprit du peuple français ? la destruction des priviléges féodaux, et, par une extension nécessaire, de tous les priviléges fonciers, industriels, capitalistes et mercantiles ; le droit au travail, la juste répartition des salaires, la fin de l’exploitation et du parasitisme. C’est par cette chaîne d’idées que le peuple français est devenu si sympathique à la liberté des autres peuples : croit-on que, s’il soupçonnait la question de la nationalité polonaise de n’être qu’une question d’aristocratie polonaise, il s’intéressât le moins du monde à la résurrection de la Pologne et à l’émancipation des Polonais ? Non, non ; ce que cherche le peuple français dans la reconstitution des nationalités, c’est la garantie de sa propre révolution, c’est le complément de cette révolu-