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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/200

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propose au roi de Prusse, qui ne dit ni oui ni non, la couronne impériale ; la Belgique a fait son prononcement ; la Suisse nous garde une rancune profonde ; l’Angleterre prépare une réforme électorale ; l’Autriche, comme l’a dit M. Billaut, se sauve en octroyant à ses peuples toutes les constitutions qu’ils demandent ; la Russie émancipe ses serfs. Ce que les souverains coalisés promettaient, en 1813, de donner à leurs peuples après la campagne, ils le leur offrent aujourd’hui avant la bataille. La nation française, leur disent-ils, n’est pas faite pour la liberté ; elle ne peut que vous donner la servitude…

Quelle peut-être la raison de ces craintes, de ces calomnies ? Toujours la même : La guerre, c’est la conquête ; et la conquête, ce n’est pas seulement l’incorporation, ce sont encore les réquisitions, les contributions de guerre, les spoliations, les levées d’hommes, le pillage et toutes les avanies du soldat. Partant de ce principe malheureusement trop vrai, on accuse la France de vouloir encore une fois dévorer l’Europe ; on cite en preuve son budget, sa dette croissante, ses prodigalités. Mais ne perdons pas de vue que ceux qui attestent une si grande peur d’être par nous

    et c’est la démocratie qui aura donné lieu au proverbe, plus unitaire que l’Empereur. Pour l’Italie de M. de Cavour la démocratie française est pleine de confiance ; elle fait bon marché de la prépotence nationale. Que conclure d’une politique aussi désintéressée ? Serait-ce que la jeune démocratie renonce à toute idée de guerre et de conquête, et que, pour plus de sûreté, elle pense, pur cette création d’une Italie une et indivisible, à enfermer, pour ainsi dire, dans sa cage l’aigle impériale ? Les démocrates d’outre-Rhin en sauraient à leurs frères de France un gré infini. En tout cas, les efforts de ces derniers secondent merveilleusement les dispositions des Italiens. Je demandais, il y a quelques jours, à un voyageur qui arrivait d’Italie, si, dans le cas d’une guerre entre la France et l’Europe, les Italiens marcheraient avec nous ? — Oui, me répondit-il, si l’Angleterre elle-même marche avec la France ; sinon, non. Car l’Angleterre, pour les Italiens, et bien qu’elle n’ait rien fait pour leur indépendance, c’est la liberté ; tandis que la France, c’est… c’est la protection.