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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/205

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des Césars, la même que celle du Sénat, et met à nu le principe de la guerre et son équivoque moralité. Tout le monde aujourd’hui pense là-dessus comme Aurélien. On croit peu à la sincérité des causes politiques de la guerre ; chacun est averti du reste que depuis 1848 la véritable question à l’ordre du jour est celle du prolétariat. Aussi, tandis que les uns demandent la guerre en vue de la conquête, les autres la veulent afin de diminuer le nombre des consommateurs, absolument comme, en un siége, on expulse les bouches inutiles. Nous avons vu jusqu’à des républicains faire de ce système la base de leur politique. Le gouvernement provisoire, selon eux, aurait dû jeter le peuple sur les champs de bataille : M. de Lamartine, avec sa politique de paix, avait trahi la révolution. Le peuple de son côté adopte tous ces motifs : « Il y a trop de monde au monde, dit-il ; il faut faire une visite à l’étranger. Si cela ne produit pas de butin, eh bien, cela produira toujours une éclaircie. » Chose singulière, les conquérants, que l’on considère d’habitude comme les auteurs et entrepreneurs de toutes les guerres, sont encore ceux qui ont le plus souci de la vie des hommes, et s’il reste une ombre d’humanité dans ces grandes luttes, c’est à eux qu’on la doit. — Quand commence-t-il sa guerre ? demandait, après le 2 décembre, un paysan qui avait voté pour Louis-Napoléon. Sous l’autre, on ne payait rien ; l’ennemi payait tout… Les frères et sœurs, neveux et nièces des soldats morts dans la Dobrudscha, en Crimée, à Magenta et Solferino, ont donné une larme à leur mémoire. Puis ils se consolent en songeant que la France finira par obtenir quelque lambeau de territoire, que cela fera rouler un peu d’argent, et qu’ils héritent.

Conquérir, encore conquérir, et toujours conquérir, telle est, depuis l’origine des sociétés et en raison du paupérisme qui leur est endémique, la tendance fatale des États. Vivre, mal-