Aller au contenu

Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ornement de ses triomphes, le meilleur de sa gloire. De quoi se fût-elle glorifiée sans cela ? Elle ne se battait pas pour des idées : les idées alors étaient dans le sein de la Providence ; il n’existait pas de journalistes qui les dégageassent. Elle ne se croyait pas assez riche pour payer sa gloire : le mot gloire, à cette époque, était synonyme de profusion et de luxe ; on n’en tirait vanité que si l’ennemi en faisait les frais. Sous les empereurs, la solde des officiers les plus haut gradés se compose pour les trois quarts d’effets mobiliers dont l’empereur leur fait cadeau et de provisions de bouche : cela sent le pillage d’une lieue.

Bien loin que le développement du droit international que devait provoquer la conquête romaine ait conduit à la séparation du pillage et de la conquête, il semble au contraire que le premier ait été conçu comme un moyen de consolider la seconde. En effet, la confiscation à perpétuité du produit net de tout un pays, la spoliation des familles riches et aisées, est la mesure la plus efficace qu’un État conquérant puisse employer contre la nationalité toujours palpitante du peuple vaincu. Ce n’est pas de la plèbe, en général, que les rébellions sont a craindre ; c’est de la noblesse, de la bourgeoisie, du clergé, de tout ce qui possède, qui exerce de l’influence, qui participe au gouvernement. Dans l’état actuel des sociétés, anéantir par la confiscation du revenu foncier, des profits commerciaux, financiers et industriels, la haute classe d’un pays, ce serait, malgré la supériorité de la plèbe moderne sur la plèbe ancienne, retrancher de ce pays la vie, le mouvement, la pensée, le progrès. Telle fut pourtant, dans la haute antiquité, la politique invariable des conquérants. On exterminait, selon le précepte de Tarquin, l’aristocratie ; on la transportait, on la réduisait à la misère, on la vendait, à moins que, par une générosité rare, on ne préférât la rendre fermière de ses propres biens, emphytéote, mainmortable.