Aller au contenu

Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On intéressait, au besoin, les classes inférieures à la dépossession des supérieures, et tout était dit. Le pays ne remuait plus. La vie politique s’éteignait. C’est ainsi que les tsars en usèrent avec une partie de la noblesse polonaise ; et c’est pour n’avoir su ou n’avoir osé appliquer ce principe aux populations remuantes de son empire, que l’Autriche s’est mise à mal avec les Lombards et les Hongrois. Qu’on regarde ce que les Turcs ont fait des nations par eux subjuguées. Quelle vie politique est restée en Égypte et dans toute l’Afrique, en Syrie, en Asie Mineure, dans la Thrace, la Macédoine et la Grèce même ? La spoliation, encore plus que le massacre, a tout anéanti. Les Turcs auraient absorbé les races envahies et fondé une puissance qui, assise sur l’Asie, l’Afrique et l’Europe, ayant pour centre la Méditerranée, aurait fini par triompher de la chrétienté divisée, si à leur énergie militaire ils avaient joint le génie civilisateur des Arabes ; si, comme les Arabes, ils avaient eu seulement la vraie notion de la conquête. Mais la force turque n’est que de la force brute. Les guerriers ottomans n’ont jamais su de la guerre que le massacre, le pillage, la dévastation et le viol. Ce sont eux qui, par la sauvagerie de leur apostolat, ont déshonoré et tué l’islamisme, si glorieux sous les califes ; ils ont fini par se tuer eux-mêmes dans la corruption de leur despotisme, et nous les voyons, encore nombreux et forts, étouffés par les populations chrétiennes, qui partout renaissent de leurs cendres.

Il appartenait au christianisme, dont le nom pourrait s’interpréter la conquête, et qui eut en effet pour mission de conquérir au royaume spirituel du Christ toutes les nations de la terre ; il appartenait, dis-je, à cette religion d’unité et de détachement, de réformer la guerre, en séparant la conquête de la coutume païenne, égoïste, du pillage. Il ne l’a pas fait ; l’idée ne lui en est pas même