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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/228

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des, si prompte à se confondre avec l’intérêt de clocher, que la plèbe des villes et des campagnes, enrichie par la ruine politique de la nation, prendrait rondement la chose, et, comme la bourgeoisie de 1814, voterait des remerciments à l’étranger. A toutes les époques de crise il surgit par bandes, comme une génération spontanée, des figures hétéroclites qui traduisent en charge le sentiment public, soulèvent l’épouvante, la pitié ou le dégoût, et disparaissent ensuite sans laisser de vestige. 1789 a eu ses brigands, 1793 ses sans-culottes, 1796 sa jeunesse dorée, 1815 ses verdets. Nous aurions les fanatiques du démembrement, criant et faisant crier : A bas la France ! Nombre de militaires, de savants, d’artistes, tout ce qui aurait le sentiment de la vie et de la dignité française, en voyant la patrie guillotinée, se brûleraient la cervelle ou deviendraient fous : au bout de trois ans il n’y paraîtrait plus. Un grand État, une grande nation, aurait disparu. Mais la vigne continuant de fleurir, les campagnes de se couvrir de moissons, le vin coulerait, l’argent circulerait, on boirait, on chanterait, on rirait, on ferait l’amour, comme au lendemain du déluge : Nubebant et bibebant, plantabant et œdificabant. Et il se pourrait que le peuple ainsi décapité fût encore plus heureux que ses maîtres, ô vanité de la guerre et de la politique !…

Que tous les hommes qui aiment leur pays ; que ceux pour lesquels les États sont autre chose que de vaines abstractions et qui ne croient pas que, la vie et même le bien-être des individus sauvés, tout soit sauvé, que ceux-là y réfléchissent. Dans tout ce que je viens de dire, il n’y a pas exagération d’un iota. Sans doute, la guerre n’a plus pour objet direct, avoué, le pillage ; sans doute la conquête, telle que la recherchèrent les Louis XIV, les Frédéric II, les Napoléon, est à autre fin que de percevoir, à la manière turque, un tribut. Mais il peut se faire, dans la con-