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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/233

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de la plus parfaite insignifiance. Que deviennent, enfin, les questions de territoire, de frontière, de colonies, de marine, de douanes, si, d’un côté, l’objet pour lequel on est censé faire la guerre, pour lequel on l’a faite de tout temps, bien qu’on se soit de tout temps gardé d’en rien dire, le butin, le tribut, la confiscation, la terre, les colonies, les priviléges commerciaux, si cet objet de la guerre, dis-je, n’existe plus ; si d’autre part, la liberté est partout égale, si les droits sont les mêmes, si les institutions ne différent que par tes mots, si la solidarité enfin, aussi bien entre les cités qu’entre les individus, n’excluant pas l’indépendance, offre partout les mêmes garanties et les mêmes réserves ?

Il est évident que la guerre, affranchie du motif secret et honteux qui la détermine, par l’abolition du pillage, de la course, des contributions de guerre, et de toute espèce de réquisition, entourée ensuite de tous les droits civils, politiques, internationaux, qu’elle-même a fait naître, va se trouver sans objet ; qu’il ne viendra à la pensée de personne d’y avoir recours, puisque ni la richesse ni l’honneur de la patrie n’y sont plus intéressés ; que les difficultés internationales, ramenées à des questions de droit simple, peuvent être diplomatiquement ou arbitralement résolues ; enfin, que la justice de la force et tout son appareil, tout ce qui en dépend, tout ce qui la suppose, l’implique, la soutient, toute cette juridiction et cette jurisprudence doivent être supprimées, faute de justiciables.

Cette conclusion est des plus graves, attendu qu’il s’agit ici de bien autre chose que d’un simple désarmement et de la cessation du carnage ; il y va de tout le système politique, fondé en entier sur la guerre, et que rien jusqu’ici ne semble pouvoir remplacer. C’est l’observation même que nous nous sommes faite dès les premières pages de cet ouvrage : Qu’est-ce que la société sans l’État ? Et qu’est-ce que l’état lui-même, sans ce que Rousseau nomme le prince,