Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/261

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quérant : la suite l’a démontré, puisque, à peine délivrés de la crainte des Asiatiques, les Grecs se mirent à s’exterminer les uns les autres ; qu’ils finirent par tomber, cent cinquante ans plus tard, sous la domination du Macédonien, lequel inaugura la grande monarchie, prévue par les Perses, avec l’appui des Grecs eux-mêmes. Et pourtant, malgré ces belles considérations dont l’histoire devait un jour confirmer la justesse, qui oserait dire que les Grecs fussent tenus, de par le droit de la guerre et des gens, de prendre au sérieux l’alternative qui leur était offerte ?

Les Grecs répondirent, je m’imagine : « Qu’ils ne connaissaient pas le roi des Perses ; qu’ils n’avaient rien à faire avec lui ; qu’ils avaient l’habitude de se gouverner eux-mêmes, et qu’ils ne voyaient nullement que le monde dût être constitué, pour le bonheur de tous et la gloire d’un seul, en une monarchie unitaire ; qu’ils tenaient essentiellement, au contraire, à conserver leur indépendance ; qu’ils ne demandaient pas mieux que de vivre avec lui en bonne amitié et intelligence et de concourir à la paix du monde, mais qu’ils ne pouvaient en aucune façon consentir à devenir ses sujets ; que s’il persistait dans ses prétentions, ils ne pourraient attribuer son dessein qu’à des motifs d’ambition et de cupidité, à un esprit de rapine et d’orgueil ; que le bruit de son faste était parvenu jusqu’à eux, et qu’ils avaient lieu de supposer que le besoin de nouveaux tributs entrait pour beaucoup plus dans ses desseins que le zèle de la civilisation ; qu’ainsi ils le priaient, s’il n’avait d’autre proposition à leur faire, de rester chez lui et de les laisser tranquilles, attendu que, s’il s’aventurait avec ses trois millions d’hommes dans leurs défilés et dans leurs criques, ils étaient décidés à le recevoir comme un bandit et ses Perses comme des chiens… »

Et fut dit fut fait ; et tout en faisant ici nos réserves sur les violations sans nombre dont cette guerre fut accompa-