Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/262

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gnée, nous ne pouvons qu’applaudir à la résolution des Grecs. Que seraient-ils devenus, que serait devenue la civilisation occidentale, si, acceptant sans combat la loi de la force, ils s’étaient volontairement soumis, ou qu’ils se fussent fait écraser en rase campagne comme le Perse les y invitait ? Le salut de la Grèce lui vint à la fois du patriotisme de ses enfants et du mode de guerre qu’ils choisirent, en se défendant, comme dans une forteresse, dans’un pays impraticable à une si grosse armée. Leur victoire fut légitime, tant au point de vue du droit des gens qu’à celui du droit de la force. Le moment n’était pas venu où les nations devaient se former en un grand empire ; le roi de Perse était mal fondé par conséquent d’attenter à l’indépendance des Grecs. Quant à la lutte qui s’ensuivit, nous avons fait observer, en traitant des lois de la guerre, que le demandeur doit être en mesure de contraindre le défendeur, non pas seulement sur un champ de bataille, mais chez lui. Le résultat de la guerre fut donc ici, comme dans l’invasion des Barbares dont nous parlions tout à l’heure, ce qu’il devait être : ce qui ne nous empêche pas de réprouver les infractions qui durent s’y commettre, les Perses, dans l’opinion des Grecs, étant d’affreux brigands, les Grecs, dans l’esprit des Perses, d’abominables factieux, et les uns et les autres se traitant en conséquence.

Concluons donc, par ce nouvel et mémorable exemple, qu’en matière de guerre l’iniquité avouée ou présumée de l’intention entraîne la déloyauté de la forme, ce qui toutefois n’implique pas nécessairement la nullité de la victoire. C’est là un mal sans remède, auquel nulle réforme ne saurait apporter même d’adoucissement.