Aller au contenu

Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

athées. Eh bien, si vous étiez assez malheureux pour triompher de mes armes, Espagnols, vous verriez, avant dix ans, redoubler cette tyrannie qui pèse sur vous ; vous auriez à rougir de scandales plus grands encore que ceux de Godoï et de Marie-Louise ; ces Français, qui se présentent en ce moment à vous en libérateurs, vous les verriez reparaître en auxiliaires du despotisme ; ce clergé, qui vous flatte et vous agite, vous ne tarderez pas alors à le prendre en haine ; vous vendriez ses biens, et vous seriez à votre tour des hérétiques, des athées, des révolutionnaires, des républicains… »

Si, dis-je. Napoléon avait parlé aux Espagnols de ce style, sa cause eût-elle paru, paraîtrait-elle aujourd’hui si mauvaise ? Sortait-il du droit de la guerre et du droit des gens ? N’est-il pas évident qu’il n’eût fait qu’aller au-devant de la Providence, et que sous plus d’un rapport sa conquête eût été plus conservatrice que ne l’a été le patriotisme des Espagnols ?

Ce qui égare les hommes d’État et qui fait divaguer les historiens, c’est qu’ils ne saisissent jamais d’une vue assez haute l’ensemble des événements, qu’ils cherchent trop la raison des faits dans les intrigues de la politique, au lieu de la chercher dans la situation des peuples, et qu’ils n’ont pas une idée nette du droit de la force et de ses applications. Les causes supérieures qui déterminèrent la guerre d’Espagne, en 1808, furent tout aussi légitimes que celles qui avaient motivé la campagne de Marengo ; en dépit de l’événement et des turpitudes de Bayonne, elles sont tout aussi justifiables devant l’histoire. En fait, tout État du continent qui commerçait avec les Anglais devenait contraire à l’empereur, d’autant plus redoutable même que les institutions de cet État étaient moins en harmonie avec les principes de la révolution. La solidarité européenne est un principe supérieur même à l’équilibre européen ; c’est