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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/266

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ce principe qu’après tout invoquait Napoléon, mais en se plaçant au point de vue du nouveau droit. La victoire faisait prévaloir alors la pensée et la politique de 89, dont il était censé le représentant ; donc être avec lui ou contre lui, il n’y avait pas de milieu. Il le sentait d’autant mieux que son expérience des luttes nationales lui faisait voir de plus près les dangers d’une résistance si petite qu’elle fût, et la nécessité de l’abattre. L’idée d’une régénération de l’Espagne ne manquait pas non plus d’apparence : c’est depuis la réunion des cortès, provoquée par l’entrée de l’armée française, que l’Espagne a commencé de vivre de la vie moderne. Quant à la dynastie espagnole, il était indispensable de la changer ; la vie qu’elle a menée depuis 1793 jusqu’à ce jour prouve que Napoléon ne la calomniait pas.

S’ensuit-il de tout cela que les Espagnols n’eussent qu’à se soumettre ? Assurément non. J’ai voulu faire ressortir une fois de plus la nature du droit de la guerre et du droit des gens, fondés l’un et l’autre sur le droit de la force ; j’ai voulu montrer que là où il y a cas de guerre d’après les règles de la politique, la guerre est juste des deux parts, et que tel fut, entre autres, et quoi qu’on ait dit, le cas de la guerre d’Espagne. J’ai indiqué les motifs qui dirigeaient Napoléon, bien que lui-même n’en eût peut-être pas la claire et entière conscience : ces motifs subsistent, mais ne détruisent pas ceux qui animaient les Espagnols.

Quoi de plus exorbitant, en effet, au point de vue de la nationalité, que les prétentions de l’empereur ? Quelle arrogance !… — Les Espagnols firent timidement entendre à Napoléon : « Qu’ils le tenaient pour le plus grand homme du siècle ; que ses armées étaient sans égales, et qu’ils n’avaient pas la prétention de leur tenir tête ; qu’ils seraient heureux et fiers d’être reçus dans son alliance et dans sa famille ; mais que la circulation des produits devait rester