Aller au contenu

Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de celui du travailleur, il y a toujours, au fond de la guerre, une question de tien et de mien que soulève la mauvaise conseillère, la Famine. Toujours, pour qui cherche le secret des choses, à côté des motifs religieux ou politiques, parfaitement avouables, se présente cette cause intime de la guerre, le paupérisme. De là la dépravation des mœurs militaires et toutes les licences qui en sont la suite. La guerre dans les formes se comprendrait entre Grec et Romain, entre juif et gentil, entre hérétique et orthodoxe, entre républicain et aristocrate, s’il était possible de la réduire aux pures questions de nationalité, de religion, de gouvernement. Mais quel lien de droit, quel respect d’humanité pourrait subsister encore entre le spoliateur et le spolié, entre le cultivateur et le forban, entre le maître et l’esclave, entre le propriétaire et le partageux ? Ici le mobile de la guerre est une honte, et son but le crime. Dès lors à quoi bon des formalités ? Chacun appelle son adversaire ennemi, comme qui dirait brigand. De même que l’homme infecté dès sa naissance ne saurait être entièrement régénéré en cette vie, la guerre corrompue à sa source est irréformable.

Essayons maintenant, pour fixer nos idées, de ramener cet ensemble de faits à une proposition simple.

Ce qui engendre les anomalies dont la guerre nous offre l’affligeant spectacle, c’est la présence et la connexité de deux espèces de causes et par suite de deux sortes de fins : une cause et une fin politiques, une cause et une fin économiques. De ce dualisme résultent toutes les perturbations de la guerre, et l’inextricable promiscuité de justice et d’iniquité, de bien et de mal, qui en fait le caractère.

Or, la philosophie nous enseigne qu’en toute chose, dans le gouvernement de la société comme dans les sciences, la condition à remplir pour arriver à la vérité et au droit,