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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/279

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pour but de vider par les voies de la force les litiges internationaux, une des conséquences fondamentales qui en résultent est la distinction à faire entre le domaine public, seul et unique objet de la conquête, et les propriétés particulières, placées hors de son atteinte. De là toutes ces prescriptions du droit guerrier : Le pillage est interdit ; la maraude réprouvée ; le tribut déclaré abusif, fausse application du droit de conquête ; aucune indemnité n’est due par le vaincu au vainqueur, si ce n’est pour infractions aux lois de la guerre ; la conquête n’est admise qu’au sens d’incorporation purement politique ; quant au système d’exploitation à main armée qui tendrait à devenir l’objet principal des États et la fin dernière de la guerre, ce serait la caricature de la conquête et la réduction de la guerre à l’absurde. La juridiction de la force aboutissant à faire traiter en tributaire chaque pays par son gouvernement serait la plus monstrueuse des contradictions.

La guerre, en un mot, par le soin qu’elle a toujours apporté à dissimuler sa cause originelle, par la discrétion dont elle s’entoure dans les questions économiques, et le dégoût qu’elle commence à manifester pour les extorsions et le pillage, a montré suffisamment combien la rapine lui est contraire, et combien favorablement elle accueillerait une réforme.

Malheureusement la guerre ne peut pas se séparer de sa cause, puisque sans cette cause elle n’a pas de raison d’être. Et comme la guerre est inséparable de sa cause, qui est le paupérisme, elle ne peut pas non plus se purger du soupçon de spoliation, puisque sans spoliation, sous quelque forme que celle-ci se déguise, la guerre devient absurde et la victoire une immense duperie. La guerre est donc fatalement infectée, sa dépravation est invincible : c’est ce que nous avons prouvé, par le raisonnement et par les faits, dans les deux premiers chapitres de ce livre V.