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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/288

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Cependant, comme l’hypothèse d’une paix indéfinie ne repose toujours, ainsi qu’il a été dit, que sur une donnée théorique ; comme on ne saurait dire, en fait, que l’état de paix soit définitivement acquis, le doute continue de planer sur les esprits, d’autant plus spécieux qu’il se prévaut d’une tradition sept ou huit fois millénaire, et que les considérations dont il s’appuie ne manquent pas d’une certaine vérité.

« 1. — L’idée d’une paix perpétuelle, nous disent les sceptiques, a sa source dans les incommodités de toute espèce que la guerre entraîne, et qui l’ont fait considérer de tout temps comme le fléau le plus terrible. Dès le commencement du monde, les poètes, les théologiens, les philosophes, les économistes, les femmes surtout, se sont accordés à maudire la guerre, à voir en elle un des témoignages de la malice humaine et un signe des vengeances célestes. Mais’cet argument des terreurs féminines, développé à satiété par une fausse morale, n’est plus aujourd’hui de mise. La guerre, telle que la donne son idée authentique, ne saurait être réputée un mal. C’est une forme de la justice, l’acte souverain de la conscience des peuples, et, pour le guerrier, l’instant de la suprême félicité.

» Sans doute la guerre fourmille d’abus : comme les tribunaux ordinaires, elle a ses vices de forme, qu’on pourrait appeler les nullités de la victoire ; elle donne lieu à une foule de prévarications. Mais, vous l’avez vous-même reconnu, elle a cela de commun avec toutes les institutions de l’humanité, avec toutes les créations de la nature. Le monde social, comme le monde naturel, est imparfait dans ses réalisations, mêlé de bien et de mal, de beauté et de laideur, de vertu et de vice, d’ordre et de désordre : s’ensuit-il que nous devions condamner comme mauvaises la société, la famille, l’état, le mariage, la propriété, la justice,