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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/291

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nous dit-on, étant noté d’infamie, le tribut sur les populations conquises n’étant plus dans les mœurs, le but matériel de la guerre, le seul qui soit en rapport avec sa cause, ce but disparaissant, la guerre devient sans objet. Pour peu qu’ils réfléchissent, les gouvernements, à l’unanimité, vont déclarer la paix perpétuelle. — Mais pourquoi ne verrions-nous pas plutôt, dans cette inanité fiscale de la conquête, un progrès dans la moralité de la guerre ? On calomnie la guerre, quand on lui prête des tendances sciemment et nécessairement cupides. Le pillage, la servitude, le tribut, l’exploitation elle-même, peuvent disparaître, sans que la guerre cesse pour cela d’être une condition de la vie humanitaire. A-t-elle fini son rôle de justicière ? Manque-t-il de questions qui ressortissent à son tribunal ? Les nationalités, les fusions de peuples, les croisements de race, les frontières naturelles ou conventionnelles, les fédérations, les centralisations, les nouvelles créations d’états, les transformations religieuses, l’agitation économique, qui met aux prises les unes contre les autres toutes les classes de la société ; l’équilibre des continents, leur exploitation, leur police : n’y a-t-il pas là de quoi entretenir la guerre pour quarante siècles ? Le régime parlementaire n’est encore qu’à l’essai : à lui seul il peut occuper les armées pendant cinquante ans. Et quand on songe que dans cet ordre d’idées les questions naissent les unes des autres à l’infini, qu’aucune ne peut être résolue par les voies ordinaires de l’arbitrage, puisque les nations, en vertu de leur souveraineté et de leur indépendance, y répugnent, oh ! certes, on n’a pas lieu de craindre que la guerre manque sitôt de besogne. Pour peu qu’on ait les nerfs délicats et l’esprit faible, on risquera plutôt de tomber en syncope, à la vue des fleuves de sang et des montagnes de cadavres que promet l’avenir.

» 6. — On insiste et l’on dit : Une question domine