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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/293

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» 7. — Ceux qui, à la suite de l’abbé de Saint-Pierre, colportent l’idée de paix perpétuelle et tiennent en son honneur d’innocents congrès, prennent-ils garde seulement que l’idée de paix est négative, inorganique de sa nature, synonyme d’inertie et de néant ? Dans l’état actuel des sociétés, état que vous reconnaissez vous-même avoir duré déjà de six à huit mille ans, et que le commun des humains regarde comme prescrit, qu’est-ce que la paix ? Une suspension, arbitraire ou fortuite, de l’action guerrière ; rien de plus. Impossible, d’après les faits, d’en concevoir une autre idée. Octroyée ou conquise, ou bien encore imposée aux belligérants par la nécessité des choses et par l’épuisement de leurs forces, la paix n’est, à vrai dire, que l’affirmation silencieuse de la guerre. Ontologiquement et phénoménalement elle n’a pas d’autre valeur. La paix, en un mot, c’est la guerre au repos ; ne voilà-t-il pas de quoi crier merveille ?

Vous parlez de l’équilibre des forces, comme devant être l’œuvre spéciale de la paix. Ceci est une conception de votre esprit dont on peut vous faire compliment. La paix, en équilibrant les forces, deviendrait quelque chose entre l’être et le non-être ; ce ne serait peut-être plus la mort, mais à coup sûr ce ne serait pas encore la vie. Car si les forces sont équilibrées, si elles ne peuvent plus se consommer, s’absorber, s’assimiler, se doubler, se transformer, en réalité elles n’agissent plus ; la guerre cessant, l’humanité meurt et le monde finit. Vous avez appelé la guerre un préjugé atroce, fille du paupérisme, mère du vol et de l’assassinat. Certes, votre paix peut se dire immaculée : c’est une momie.

» 8. — La guerre enfin, disent les pacifiques, peut bien être la loi du monde animal ; il répugne qu’elle soit la loi du monde moral. Qu’elle marque la transition, transition douloureuse, du premier de ces mondes à l’autre, on le