Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/294

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conçoit, et l’excuse peut s’accepter ; comme état organique et définitif, la guerre implique contradiction.

« Cette difficulté est résolue d’avance par ce qui a été dit par vous-même que la guerre est une forme de la justice, par conséquent qu’elle est donnée dans la morale. Des femmelettes demandent comment des êtres doués de raison pensent s’honorer en se livrant de si effroyables combats. Qu’elles demandent plutôt comment le monde étant un composé de forces, ces forces agissent les unes contre les autres et par conséquent se combattent. Car le jeu des forces ne ressemble pas à la danse des muses, qui, dans leurs chœurs harmoniques, se croisent, s’entrelacent, se retirent, se rejoignent, sans que de leurs mouvements légers et rapides il résulte ni froissement ni choc. Les forces ne font rien par figures ; leur action conclut nécessairement à une réalisation : pour cela il faut qu’elles s’entre-choquent, qu’elles s’entre-brisent, qu’elles s’entre-dévorent. A cette condition seulement elles produisent.

« La guerre est l’état naturel du genre humain ; la guerre, c’est la vie. La paix, une paix véritable, universelle, perpétuelle, serait la mort. Tous les peuples se sont de bonne heure organisés pour la guerre ; on n’en connaît pas qui soit organisé pour la paix. Sur ce point, la raison pratique des nations est d’accord avec leur instinct : Si tu veux la paix, prépare la guerre, dit un aphorisme fameux : Si vis pacem, para bellum. Il n’y a de paix, en effet, que pour le fort, et aussi longtemps qu’il est fort ; c’est dans la force victorieuse que se trouve le repos. Mais la force s’use dans le repos comme dans l’action ; elle a besoin, pour se renouveler, de gymnastique. L’histoire des nations n’est guère que le récit de leurs combats ; la paix n’y figure que sous la forme de courtes trêves. Quelle paix fut jamais plus applaudie, même par les vaincus, que celle de 1814 ? Or, voici que depuis quelques années, non-seulement les Fran-