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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/298

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dans l’ivresse du triomphe, faisant de nécessité vertu, on s’en glorifiait. Mais personne n’eût songé à soutenir, ni que ce fait fût essentiel à la vie de l’humanité, ni qu’on dût le considérer en conséquence soit comme permanent, soit seulement comme transitoire. La guerre était hors de l’appréciation des hommes.

Maintenant que le mystère est, ou peu s’en faut, pénétré, et que le cours des événements semble incliner à la paix, on conçoit que des objections raisonnées, en faveur de la perpétuité de l’action guerrière, se produisent. Ces objections reposent sur les mêmes données que celles qui nous font croire à la paix : sur le droit de la force, auparavant nié, et que nous avons rétabli ; sur la qualité de justicière, que nous avons reconnue à la guerre ; sur le rôle, non pas fortuit, mais positif, qu’elle a joué dans la civilisation : elles sont surtout motivées par cette considération que, la paix ne pouvant se constituer d’une manière permanente que par la suppression de la cause même de la guerre, à savoir le paupérisme, une semblable révolution est au-dessus de la sagesse humaine, et doit être regardée comme une utopie.

Pour répondre à cette argumentation, ce qui n’est certes pas facile, puisque la société est toujours en état de guerre, que la guerre a pour elle le fait, c’est-à-dire une possession de six mille ans, tandis que la paix est toujours à l’état de projet et de perspective, il faut, selon moi, au lieu de nous épuiser sur les objections, attaquer l’ennemi dans son fort, marcher droit sur sa capitale, qui, une fois tombée, nous livre tout le reste. Or, cette capitale, base de tous les raisonnements du militarisme, n’est autre que la loi d’antagonisme, que nous avons reconnue nous-mêmes (tome Ier, livre Ier, chap. VI, page 61) comme loi universelle de la nature et de l’humanité, corollaire de la loi de justice ou d’équilibre. La loi d’antagonisme expliquée,