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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/300

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vons vue aller de formation en formation, de remaniement en remaniement, de révolution en révolution. Des États, des nationalités innombrables, ont été consommés dans cette lutte. N’y a-t-il donc pas à la guerre un objet supérieur, ou faut-il croire qu’elle tourne dans un cercle sans fin, détruisant et remplaçant pour le seul plaisir de remplacer et de détruire ?

D’autre part, si la guerre est vraiment créatrice, féconde, rien de ce qu’elle détruit ou plutôt qu’elle transforme ne doit se perdre. Il en est des créations de la guerre comme des compositions et des décompositions chimiques : tout doit se retrouver à la balance ; il ne peut s’égarer un atome. Sous ce rapport, et indépendamment des objections que nous avons élevées contre la violation des lois de la guerre, nous avons à nous demander si la guerre fait bien ce qu’elle fait ; s’il n’y a pas de déperdition dans son œuvre, par conséquent si son mode d’action est, sous ce rapport, irréprochable et si elle ne tendrait pas elle-même à le changer ?

Nous avons le droit de poser ces questions à nos adversaires, puisqu’elles ressortent de leur propre principe : ils ne sauraient s’y soustraire sans illogisme et sans mauvaise foi. Or, par cela seul que nous posons de semblables questions, il est évident que nous rentrons dans l’hypothèse d’une pacification, sinon absolue, au moins illimitée ; ce qui nous reste à démontrer par le tableau de l’évolution guerrière.

Je dis donc que la guerre, en autres termes l’antagonisme humanitaire, a pour but la manifestation complète et le triomphe absolu de la justice, en un mot la civilisation ; mais j’ajoute que, pour mener à fin cette création supérieure, l’antagonisme en sa forme actuelle, c’est-à-dire la guerre, est impuissant ; qu’il fait mal ce qu’il veut faire, et qu’il est devenu indispensable, non pas simple-