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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/317

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Ainsi la justice n’est pas simplement une idée de rapport, une notion métaphysique, une abstraction : c’est encore un fait de conscience, un essor de l’âme, par conséquent une faculté organique, positive, une réalité, comme l’amour, l’ambition, l’amitié, le goût du beau et du luxe, etc.

Les conséquences de cette réalisation de la justice dans l’humanité sont immenses.


La justice, d'après la définition donnée par la guerre, principe et fin de la société. — Si, comme il vient d’être dit, la justice est plus qu’une abstraction, si elle est une puissance, et si la mission de la guerre a été de faire prévaloir cette puissance et d’en procurer entre les peuples le développement incessant, il s’ensuit d’abord que la justice est tout à la fois le principe et la fin, le mobile et la loi de nos actions, la raison de notre vie, l’expression de notre félicité.

La théorie de Hobbes est fausse : notre mobile suprême n’est pas l’égoïsme ; ce n’est pas la conservation de notre corps et de nos membres, ce n’est pas notre intérêt bien ou mal entendu. S’il est pour nous un fait avéré, c’est que la justice est positivement autre chose que l’intérêt ; nous devons la démonstration de cette vérité a la guerre.

La théorie des idéalistes et des mystiques est aussi fausse que celle des utilitaires. Notre mobile suprême n’est pas un idéal, à moins que ce ne soit l’idéal même du droit. Nous avons vu l’idéalisme séduire les âmes tantôt par l’illusion de la richesse, tantôt par l’appât des voluptés ; pousser la société au paupérisme, et par le paupérisme la précipiter dans la guerre, qu’il corrompait elle-même. Ce mobile n’est pas l’amour, définitivement subordonné à la justice par la constitution de la famille, dont la base est l’autorité du père, le droit même de la force ; — ce n’est pas