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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/323

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dis-je, faire que tous les enfants d’un même père héritent de lui par. portions égales. Ce qu’elle ne saurait faire, c’est que le prodigue, le fainéant, l’insensé, soient aussi méritants devant l’opinion que l’économe, le laborieux et l’intelligent ; que par conséquent ils possèdent, de leur nature, le même droit. C’est d’après cette considération que le code reconnaît au père de famille le pouvoir de rectifier par testament ce que la généralité de la loi pourrait introduire d’anomal dans la pratique : tant il est vrai que le droit est établi, non sur des abstractions, mais sur des réalités, dont la première en date est la force.

La loi politique, relevant plus directement que la loi civile du droit de la force, est aussi plus rigoureuse. Aucune constitution, aucune omnipotence ne saurait garantir à des citoyens indignes une liberté dont ils sont déchus par leur dissolution. Le pouvoir ne pouvant être que l’expression de la société, si la société manque au droit il faut que le pouvoir gouverne par l’arbitraire. Le despotisme alors devient tout à la fois le représentant et le bourreau de l’immoralité publique, et il se maintiendra jusqu’à ce que la société se convertisse ou s’abîme dans sa corruption.


Autorité législative et juridiction de la guerre. — Après ces vues générales sur l’essence, la réalité, et le progrès en nous de la justice ; sur le rôle d’abord inaperçu, aujourd’hui manifeste, qu’elle joue comme. principe, mobile et fin de la civilisation ; sur le caractère exclusivement justicier du nouvel ordre moral qui, se subordonnant toute pensée et toute connaissance, se posant même comme philosophie générale, tend à se substituera l’ancienne foi : que de choses auparavant obscures l’étude de la guerre nous a rendues intelligibles ! La torche qui ne semblait faite que pour porter l’incendie, est devenue le phare qui a illuminé au loin nos ténèbres.