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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/324

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La guerre est constitutionnelle à l’humanité, bien qu’elle ne nous paraisse plus maintenant devoir être perpétuelle. C’est la forme première que revêt en nous l’antagonisme, loi de l’humanité aussi bien que de la nature, indispensable au mouvement social. On peut ainsi considérer la guerre sous deux aspect différents, l’un politique et législatif, l’autre économique.

Sous le premier de ces aspects, la guerre agit comme organe et mandataire du plus primitif de tous les droits, le droit de la force. Ce droit est attesté par la conscience universelle : sans lui l’édifice entier de la justice s’écroule, la constitution de la société, la marche de la civilisation, le sens des mythes religieux, deviennent inexplicables. Avec ce droit, au contraire, tout devient rationnel et lucide ; on voit la civilisation se développer, d’étape en étape, par la guerre ; la loi poser ses formules et toutes les variétés du droit se dégager les unes des autres, se distinguer et se définir d’apres le principe et sur le modèle du droit du plus fort : droit de la guerre, droit des gens, droit politique, droit civil, droit économique, droit philosophique, droit de l’intelligence, droit de la liberté, droit de l’amour et de la famille, droit du travail.

Du reste, organe spécial du droit de la force, la guerre n’étend pas sa compétence au delà des questions de force. C’est pourquoi, après avoir créé l’état comme son substitut pour le règlement des litiges entre simples particuliers, elle ne se réserve que la solution des litiges entre états. Juridiction terrible, sans conseils, sans témoins, sans jury, sans magistrat, sans auditoire ; où les parties sont en même temps leurs propres juges, leurs propres garants, leurs propres avocats. Mais les jugements de la guerre n’en sont pas moins certains, efficaces, incorruptibles. Malheur à qui voudrait s’y soustraire ! Malheur à qui refuserait le combat, ou qui l’ayant accepté essayerait