Aller au contenu

Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’en fausser les lois ! La victoire ne lui profitera pas, et tôt ou tard la force outragée, dédaignée, se tournera contre lui. Je ne redirai point ici les causes de la chute du premier empire napoléonien, que la force renversa, parce qu’il était entré dans sa constitution moins de force que d’artifice ; ni cet argument décisif contre la Papauté qui, ayant en main la puissance spirituelle, pouvant commander au monde au nom de la foi et de la morale, déclina bientôt et se vit condamnée à traîner une misérable vie, parce qu’elle ne sut, ne put ou ne voulut faire la guerre, et qu’au nom de sa foi elle dédaigna la juridiction de la force. Contentons-nous de rappeler que ce que la guerre a une fois jugé est ce qu’il y a de mieux jugé, et qu’il n’appartient à aucune autorité, quelle qu’elle soit, de confirmer ou d’invalider ses jugements. L’annexion de la Savoie et de Nice a la France, de la Toscane et des Marches au Piémont, pouvait, après les victoires de Magenta et de Solferino, se passer de la formalité du suffrage universel. Qu’est-ce que le témoignage de citoyens déposant leurs billets dans une urne, auprès de celui de soldats qui versent leur sang ?…

La guerre, en créant le droit dans l’humanité, en faisant de l’étude de ce droit une science positive, objective, a parlé plus haut que toutes les révélations et son autorité surpasse celle de l’Évangile même. La loi d’amour n’a rien produit de comparable aux créations sorties du droit de la force. C’est grâce à la guerre que nous savons enfin, contrairement à l’idée messianique, contrairement aux suggestions de la fraternité évangélique et de la féodalité papale, que la constitution politique du genre humain ne saurait être ni une monarchie ou catholicité des nations ; ni une fédération ou communauté d’États, rassemblés sous l’autorité d’une diète ; ni une hiérarchie de principautés et de royaumes, telle que la conçut le moyen âge à la suite du pacte entre la papauté et l’empire. Une monarchie uni-