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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/335

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ses troupes de Rome, il y a un abîme ; pour mieux dire, il y a un effroyable contre-sens.

Je conçois à toute force l’unité italienne comme une machine de guerre dirigée momentanément contre la domination de l’Autriche, le protectorat français, et la papauté. Je ne puis y voir qu’une odieuse mystification, s’il s’agit de nationalité et surtout de liberté. Il y a assez de cinq grandes puissances en Europe pour maintenir l’équilibre : en créer une sixième est un soin superflu, dont les populations se passeront fort bien. Qui donc ne voit en ce moment que sous ce vain prétexte d’unité, l’Italie est déjà retombée sous une servitude pire que l’ancienne ; que, poussée à la centralisation monarchique, tantôt par l’influence française qui aspire à se faire de l’Italie une vassale, tantôt par le machiavélisme anglais, qui cherche dans la péninsule un instrument contre la France, au lieu d’organiser ses forces, elle compromet sa nationalité même ? N’est ce déjà pas le quatuor-virat européen qui commence ? Quant à l’évacuation de Rome par l’armée française, j’en parlerai tout à l’heure.

Bien différente est la conduite des magnats hongrois. Eux ne parlent pas de se séparer du faisceau impérial, auquel la Hongrie s’est réunie volontairement depuis le seizième siècle. Ils comprennent que leur sauvegarde, en présence des Allemands au nord, des Russes au nord-est, des races latines, au sud et à l’ouest, est dans ce faisceau puissant. Ce qu’ils demandent, c’est, avec le respect de leurs prérogatives nationales, des garanties constitutionnelles et fédératives, selon l’esprit de 1815. Il est vrai que, par cette politique médiocrement nationaliste, les magnats de Hongrie se sont rendus suspects au parti qui prêche, au nom de la nationalité, l’unité en Italie et la séparation en Autriche. Mais alors où veut-on en venir ? Quelle est cette politique à double face ? Qui trompe-t-on ici ?