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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/124

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porter le sabre dans la rue, qu’il avait enviée aux anciens le jour de son arrivée.

Il toucha sa prime d’engagement. Il négligea l’ordinaire et invita les copains à la cantine. La journée finie, ils allaient « en ville », ils « sortaient en ville », comme ils disaient, mangeaient des huîtres dans une gargote et faisaient un « frottin », c’est-à-dire qu’ils faisaient une partie de billard. Ces primes d’engagement créent généralement de grands liens de camaraderie.

Un soir, ayant la permission de minuit, Maurice, accompagné de deux anciens, entra au casino. La salle, encombrée de tables où se pressaient les consommateurs, était noyée dans la fumée des pipes et des cigares à deux sous. Il y avait beaucoup de soldats. À un bout de la salle, une petite scène se dressait. Les chanteuses s’y succédaient, disaient leurs chansons d’un air ennuyé, sans faire de gestes, sinon un seul, toujours le même, d’écarter les deux bras simultanément, puis de les ramener devant le corps, les mains l’une dans l’autre. On entendait peu ce qu’elles disaient, à cause du bruit des conversations et aussi à cause d’une bande de marins en bordée qui menaient