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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/152

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Les canons se remettent en batterie. Nangès commande sans hâte, de sa voix blanche et douce, plus impérieuse, plus dominatrice qu’un éclat de voix ; — on n’entendrait pas de si loin un hurlement…

Et tout à coup, des sonneries de clairons éclatent, se répondent de partout, étincelantes comme des sabres. C’est la fin de la manœuvre, l’appel des officiers à la critique. La batterie reformée gagne un chemin étroit où déjà des fantassins forment leurs faisceaux…

Vers onze heures, les artilleurs firent le café. Jusqu’alors, ils avaient paru unis à leurs pièces, comme le tenon à sa mortaise. On eût dit qu’ils participaient de leur matière, qu’ils en étaient une partie intégrante. Maintenant, ils reprenaient leur vie propre. Et c’était la blague, l’éternelle blague, la gaieté des soldats, des soldats de toujours qui fusait en éclats, la gaieté saine, de bon aloi, qui marque la force et le courage…

Dans un soir d’apothéose, la batterie revenait vers Equeurdreville, les roues, les boucliers, les affûts blancs de poussière. Et les hommes aussi, les lourds conducteurs aux larges basanes, les servants cahotés sur les avant-trains.