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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/171

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jeunesse. Il se releva, et, jetant sa cigarette dans la mer :

— Partir, partir, murmura-t-il en lui-même.

De sa voix brusque, un peu plus nerveuse que de coutume, Nangès ordonna la reprise du feu. Lui-même se dirigea à son poste de commandement. Sur le grand tableau d’affichage, des chiffres se déclanchèrent. Les hommes semblaient des fourmis s’agitant autour du monstre d’acier. Ils couraient, leurs falots à la main, sur les escaliers de la pièce, près de la grue électrique et jusque dans le fond plein d’ombre de la plateforme. Le bruit des wagonnets et des monte-charges dominait un instant, mais les rafales de vent emportaient tout vers l’immense nuit du large.

Là-haut, près de sa lunette à micromètre, Nangès suivait les pinceaux de lumière des projecteurs… Un bref commandement… Puis un choc ébranla la masse épaisse du béton. Un bruit déchirant de montagne qui s’entr’ouvre éclata et se propagea sur la mer sombre. C’était un fracas répercuté à l’infini, un cri atroce de désastre dans la nuit. Nangès, penché sur le parapet, suivait le tir…