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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/191

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soleil, faisait deux grandes ondulations parallèles. Là, l’on sentait l’abandon, ce mortel silence des endroits où l’on ne va pas, une joie contenue et un peu lasse, comme celle qui finit les beaux jours.

Du pavillon, Maurice espérait voir son amie. Il y respirait la fraîcheur de l’ombre et se mit à trembler de bonheur. Cet humble abri lui suggérait l’image d’une vie calme et réglée, d’une retraite heureuse que les agitations du monde ne troublent pas. Au milieu des inquiétudes de sa jeunesse, il donnait une minute au souvenir qui l’enveloppait d’une ombre mystérieuse et envahissante.

Il secoua sa torpeur et descendit du pavillon. Comme il s’approchait de la rive, il aperçut Claire de l’autre côté du Morin. Tous deux éclatèrent de rire de se voir séparés un instant par l’eau mouvante et noire. Maurice détacha la barque et, en s’aidant d’une gaule, il suivit l’ombre oblique des peupliers. Claire, les mains croisées, le regardait. Il faisait chaud ; le jeune homme avait déboutonné sa tunique. La chemise entr’ouverte montrait sa poitrine rose et bombée. Claire croyait voir un jeune dieu qui marchait sur l’eau, vers elle. Quand