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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/268

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plus tard donnerait la couleur de l’époque, le fait historique, somme toute, ce serait cette oraison funèbre, ou bien au contraire la mort de son camarade.

Nangès avait six jours à passer à Saint-Louis, avant de s’embarquer sur le fluvial qui le mènerait à Podor. Il les employa utilement à recueillir les bruits de la brousse et à causer avec les quelques Africains qui se trouvaient là. Venant de France, il les voyait, il les entendait mieux, et ne se rappelait pas encore qu’il en était. Ils étaient des hommes simples, sans détours, droits et sérieux, un peu tristes. Des forts, des simples, un peu poètes, pas modernes. Quelques-uns — rares — des ambitieux effrénés, — et ils étaient admirables. Les autres, des poètes, et ils étaient aimables. Ils n’étaient pas modernes. On ne pouvait pas les confondre. Ces Africains, qui représentaient le caractère aventureux, indépendant de la race, ces inactuels, avaient des visages particuliers. Ces silencieux, quand ils parlaient, n’avaient pas la voix de tout le monde. Et ils ne se taisaient pas non plus comme tout le monde. Dans la grande famille, ils auraient eu de la peine à retrouver leurs frères. Ils étaient tout seuls. Dans la