Aller au contenu

Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tête s’arrête, regarde au loin, sans rien voir, de son gros œil bombé. En revenant vers ma tente, j’entends les rires sonores des partisans, tandis que la tourterelle chante plus fort son éternelle chanson d’Afrique, la même, du nord au sud de l’Afrique, qui tinte doucement dès qu’un peu d’eau apparaît, dès qu’un peu de verdure coupe la monotonie des plaines.


… « On a marché tout le jour. On campe dans le plus sombre lieu de ce pays misérable. Mais qu’importe ? Tous les jours, je suis pris un peu plus. Le silence où je m’enfouis, je sens que rien ne pourra plus m’en détacher.

« Ici, de frêles arbustes épineux ont réussi à pousser dans la plaine sablonneuse qu’encercle de toutes parts un cirque immense de rochers noirs. L’horizon est assez large, mais limité par les amoncellements de pierres : le premier cercle de l’Enfer. La beauté vient d’un tragique puissant qu’aucun rayon de vie ne vient adoucir, qu’aucune grâce ne vient orner. On pense avec bonheur au murmure d’une eau courante, à des bosquets emplis d’oiseaux… Hélas ! il ne reste plus ici qu’un rude squelette pétrifié.