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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/337

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homme, je ne suis guère fait pour vivre en France. Un malade ne souffre pas de l’odeur fétide de sa chambre. Mais qu’un homme sain vienne du dehors, il aura des hoquets de dégoût, et vomira. C’est notre aventure à nous, gens du désert, quand nous rentrons dans la civilisation.

…Peu de temps après, Mme Nangès mourut. C’était le dernier lien avec la France qui se dénouait. Il n’avait plus qu’à repartir, ce grand Nangès, cet homme du passé perdu dans le monde moderne.

Il alla dire à Servat :

— Je traverse la crise de l’ennui. Mais je connais le remède : j’ai demandé à repartir. Cette fois, je vais au cap Saint-Jacques.

— Ne vous plaignez pas, mon cher Timothée, répondait Servat. La vie est belle pour vous, puisque vous la traversez en barbare. Allons ! c’est un adieu que nous nous disons aujourd’hui, car, lorsque vous reviendrez, je serai mort sans doute…

Dans ses derniers jours de France, Nangès aimait à voir Claire Monestier. Sa douce apparition de tristesse, ses reproches muets, son alanguissement passionné, ce brutal s’en émou-