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plus que déplacer des richesses : elles seraient destinées à en créer en faisant du capital vivant, c’est-à-dire en faisant travailler, comme vaincus et comme esclaves, des Barbares qui n’auraient pas travaillé dans leur pays sous leur régime de liberté[1].

Mais cet espoir de trouver dans Aristote une notion, vague au moins, du capital ne tarde pas à s’évanouir. En effet, s’il suivait bien l’idée que nous lui prêtons, il ne trouverait que l’esclave qui fût du capital, parce qu’il n’y a que l’esclave qui soit la chose du maître : or, il cite comme instruments vivants « le matelot qui veille à la proue » et « l’ouvrier dans les arts », sans indiquer aucunement qu’il les suppose en servitude.

Quant aux problèmes de la répartition, les anciens ne les ont envisagés qu’au point de vue de l’intervention de l’État. L’étatisme devient donc ici du socialisme d’État, pour ne rien dire de plus, et c’est à propos seulement du socialisme que nous discuterons leurs idées sur ces points là.


II

LES JURISCONSULTES ROMAINS

Bien moins encore que les Grecs, les Romains ne nous ont donné aucun système d’économie politique. Comment, du reste, l’eussent-ils fait, eux qui en philosophie n’ont guère été que les traducteurs ou les interprètes des Grecs ?

Il aurait bien semblé peut-être que les jurisconsultes romains, puisqu’ils fondaient la science du droit, auraient dû fonder du même coup la science économique. Mais ce

  1. « La guerre dans les sociétés anciennes, dit M. Souchon, était véritablement créatrice de la richesse suprême. Elle faisait l’esclave. Dès lors, la classification d’Aristote nous apparaît bien (sauf l’erreur relative au commerce) comme établissant une ligne de démarcation exacte entre l’enrichissement par la production et les modes parasitaires d’acquisition de la richesse. Elle n’a rien, par conséquent, qui soit tout à fait extérieur à nos conceptions économiques modernes » (Théories économiques dans la Grèce antique, p. 96 en note).