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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/215

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LA MAISON DES BORIES

enfants, avertis, se tinrent cois et la vie reprit comme auparavant, craintivement tapie dès qu’on entendait un pas d’homme descendre l’escalier, follement débridée et bondissante autour d’Isabelle, qui menait la ronde, aussitôt qu’il n’était plus là.

Pourtant il ne s’était rien passé. Rien, sinon ceci que M. Durras avait voulu écrire au Petit Nez de Chien de venir le retrouver au Puy pour quelques jours de vacances avant l’hiver. Il avait pris sa plume et commencé en souriant : « Chère petite amie… » Et à ce moment-là, ayant fait un effort pour se représenter celle à qui s’adressaient ces mots, il s’était demandé par quoi cette femme avait bien pu lui plaire. Il ne retrouvait dans sa mémoire que des propos plats et prétentieux, supérieurement agaçants, proférés par une bouche peinte. Il se rappelait aussi qu’elle l’avait promené pendant toute une après-midi devant tous les bijoutiers de la ville, et il commençait maintenant à se demander si ses allusions répétées à sa vieille montre qui « battait la chabraque » et marquait toujours l’heure des rendez-vous avec vingt minutes de retard…

En somme, qu’est-ce que c’était que cette femme-là ? D’où sortait-elle ? Elle avait beau se donner pour une femme du monde… Une femme du monde ne couche pas avec un homme, aussi séduisant soit-il, au bout de la première soirée de conversation. Même si elle aime les hommes, comme toutes les femmes, elle fait semblant de ne pas y tenir. Et une femme du monde n’épluche pas ses sardines avec son couteau et ne s’essuie pas la bouche avec son pain quand elle vient de manger de la salade. Et elle ne dit pas en parlant de gens, précisément, du monde : « C’est du monde bien. » Et si elle avait eu son brevet supérieur, comme elle le prétendait (ce qui, entre parenthèses, était fort peu « femme du monde », car on sait bien que les femmes du monde ne savent rien), elle n’aurait