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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/115

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INVITATION A L’OUBLI



Tu te rappellerais les amitiés parties,
Le dur enseignement voulant qu’on prenne soin,
Quand on sent dans son cœur bondir les sympathies,
D’avoir l’espoir muet et le deuil sans témoin.

En vain la lune, avec ses rayons pour caresses,
Baise au front la forêt, ouvre le cœur des fleurs,
Se mire au sein de l’eau qui lui rend ses tendresses,
Jette un manteau d’amour sur toutes les douleurs.

Tu te rappellerais les amours écroulées,
Les serments qui mentaient, les cœurs qui sonnaient faux ;
Et l’idéal prenant de si hautes volées
Pour durer moins qu’une herbe où va passer la faulx.

Belle immuablement, la nature infinie
Baigne en vain l’univers d’immortelle clarté.
En vain le ciel, avec sa constante harmonie,
T’ouvre les horions de son éternité.

Tu te rappellerais les tombes refermées
Sur tant d’êtres restés dans ton seul souvenir,
Qui passèrent la vie à suivre des fumées,
Et qui sont devenus poussière pour finir.