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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/68

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RECUEIL INTIME

Le reste du volume était noir, douloureux ;
Les crimes, en sifflant, y distillaient leur bave
Partout l’homme despote écrasait l’homme esclave,
De grotesques tyrans, dans leurs palais de bois,
Comptaient, en ricanant, des têtes sur leurs doigts.

Cette bonne action, dans sa candeur sublime,
Était là, comme l’arche au-dessus de l’abîme ;
Et cela m’enivra de voir qu’en ces pays
Où les instincts mauvais sont les seuls obéis,
Pour garder la pitié qui hors d’elle était morte,
La chose la plus faible eût l’âme la plus forte.
Et je compris alors, en méditant sur vous,
O femmes, d’où vous vient votre regard si doux,
Et pourquoi, vers les cœurs qui battent sous vos voiles,
On se sent attiré, comme vers les étoiles.
C’est que vous recevez en partage, ici-bas,
Le seul bien qu’on prodigue et qu’on n’épuise pas,
Le seul assez divin pour mêler à nos fanges,
Comme de blancs rayons, la vision des anges,
L’humble vertu par qui le plus fort est dompté,
Le calice qui boit les larmes : la bonté.
C’est que toujours vos bras s’ouvrent, dans notre gouffre,
Pour l’enfant qui repose ou pour l’homme qui souffre,