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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/142

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sont portés, selon les moments et leurs impressions, tantôt à croire à l’importance des volontés, supposées libres, dans la marche des choses, tantôt à se dire qu’on n’est vraiment le maître de rien, ni de soi, de ses passions et de ses actes, mais que chacun ne fait jamais que ce que sa position, son caractère et les circonstances commandent. Cette double inclination s’explique, si l’on réfléchit que notre sentiment naturel de l’ambiguïté de beaucoup de futurs, que nous imaginons à tout moment, nous donne à croire que ce que quelqu’un n’a pas fait, il a souvent pu le faire, ou que ce qu’il a fait, il aurait pu ne pas le faire ; tandis que, d’une autre part, l’expérience des passions et des caractères, et celle des différentes sortes de solidarité qui enchaînent les volontés individuelles favorisent l’induction de l’entier déterminisme.

Avant la philosophie, l’inspiration des poètes varie. Chez Homère et chez les gnomiques, l’affirmation du libre arbitre est suggérée, aux endroits où le jugement moral et l’exhortation au bien en marquent la place, tandis que des jugements réfléchis sur la fatalité des passions, et sur l’inéluctabilité du mal ou de la punition font apparaître les figures de l’ἀνάγκη et de l’εἱμαρμένη, formes de la destinée. Il n’est cependant pas évident que le système de la nécessité ait régné, comme on le croit, dans l’esprit de l’antiquité beaucoup plus que dans les sociétés modernes. En tant que formellement négatif de la liberté humaine, les religions et la morale pratique en ont de tout temps affaibli l’influence, et c’est à la philosophie qu’il a dû son inflexible forme rationnelle et sa véritable force.

Il est mentionné pour la première fois, avec sa formule expresse, comme se rapportant à la doctrine qui,