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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/152

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ne peut ou délibérer ou ne pas délibérer, de même qu’agir ou ne pas agir, qu’en faisant quelque chose d’aussi prédéterminé que le sont les effets à provenir de l’ensemble des causes.

Le point capital, tel qu’on le comprenait de part et d’autre, était de décider si l’on a le droit de dire que certaines choses en réalité dépendent de nous (τὰ ἐφ’ ἡμῖν, aliquid in nostra potestate). C’est ici l’équivoque. Le stoïcien alléguait que nous sommes libres et maîtres de nous, par la raison que notre assentiment et notre acte sont bien nôtres et que nous agissons toujours selon ce que nous sommes, encore bien que ce soit de telle manière qu’une cause actuelle en nous soit toujours l’effet de causes antécédentes, relatives à notre nature et aux circonstances. Or la liberté, en un sens de ce mot que le stoïcisme peut ne pas accepter, mais qui se comprend parfaitement, signifie le déliement possible de l’acte par rapport à l’enchaînement nécessaire, universel, admis dans la première définition. Ce sens est celui que défendaient les adversaires des stoïciens et auquel ceux-ci objectaient que, si c’était le vrai sens, il faudrait admettre qu’il est des effets sans cause.

Cet argument en faveur de l’enchaînement invariable renferme à peu près tout ce qui a été jamais opposé d’arguments logiques au libre arbitre. Il y a cependant un paralogisme dans la formule usitée. La cause et l’effet étant des termes corrélatifs, le jugement : il n’y a pas d’effet sans cause, est analytique c’est-à-dire irréfutable, mais ne mène à rien et ne démontre quoi que ce soit. Mieux formulé, le principe du déterminisme serait : il n’y a pas de cause qui ne soit l’effet d’une cause antérieure. Il consiste donc à nier la possi-