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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/169

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question se posa en ces termes et donna lieu à plusieurs controverses. Clarke, défenseur du libre arbitre, perdit sa cause en soutenant que l’acte libre est celui que suscite la pure volonté imprimant au dernier jugement d’une délibération la vertu de décision qui le rend indépendant des jugements antérieurs, tous nécessaires en eux-mêmes, par lesquels l’esprit a pu passer. Ce déliement final de la chaîne des motifs viendrait de ce que la volonté est de soi une force indifférente. Cette théorie de la « liberté d’indifférence » était insoutenable comme contraire à une vérité d’observation établie dès l’origine de la psychologie chez les anciens (XLIV). Anthony Collins et d’autres bons logiciens démontrèrent que, dans l’enchaînement empirique des moments d’une délibération, on ne pouvait ni regarder le jugement final comme d’une autre nature que les autres jugements, qu’on tient pour nécessaires, ni affranchir l’acte du dictamen de ce jugement. Ils firent voir aussi que la thèse de l’indifférence mettait l’acte libre hors de la raison et des motifs moraux, alors qu’on prétendait défendre le libre arbitre dans l’intérêt des notions morales.

Il ne se rencontra pas, que nous sachions, un philosophe pour apporter dans le débat une troisième opinion : à savoir, que le juger et le vouloir sont inséparables à chaque moment de la délibération, comme au dernier ; que la question du libre arbitre se poserait mieux pour chacun de ces moments, sans les distinguer, que séparément pour le dernier ; qu’elle est insoluble en tout ce qui relèverait de l’expérience, parce que les chaînons de la pensée qui se poursuit, ou qui s’arrête, et que suit l’acte, sont inobservables ; et qu’ainsi ce qu’il importe d’examiner, c’est 1o dans l’objet de la