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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/197

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valoir sur les illusions causées par la puissante objectivité de la matière.

À l’époque des origines mythologiques, la personnification n’a pas porté seulement sur les phénomènes naturels, mais des idées ont été divinisées, idées morales, idées de qualités et de vertus, ou de rapports entre personnes, intéressant l’Homme et la Société, qu’il n’était pas possible de se figurer sérieusement incarnées. On ne laissait pas de leur prêter une action et des commandements, parce que ce n’était là qu’user des formes les plus communes de la rhétorique du langage. L’importance ou la sainteté de l’objet consacré pour un culte en constituaient le caractère divin, mais le caractère de personne était symbolique. On a coutume d’appliquer, en traitant de la mythologie, le terme de personnification à l’espèce de réalisation de concepts qui se fait par l’élévation à la divinité des vertus humaines, telles que Fides, Pudicitia, etc., des Romains. C’est pourtant là un trait de religion bien différent du fait de croyance d’un peuple qui investit de la souveraineté sur le monde son Dieu national regardé comme un être personnel. La pensée généralisée d’un Dieu de ce genre conduisit des nations polythéistes à l’idée du Père des dieux et des hommes, Zeus ou Jupiter, et cette idée s’épura finalement et se condensa en un monothéisme parallèle à celui des Juifs, à l’époque où la philosophie réduisait les autres Olympiens à n’être que des symboles.

On a coutume d’appeler personnification le procédé des philosophes (et du public en toutes sortes de matières) qui consiste à attribuer une existence de sujets et d’agents à des termes généraux. On ne veut pas dire par là qu’ils les prennent formellement pour des personnes. Il n’en ressort pas moins une fâcheuse confu-