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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/198

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sion du réalisme avec le personnalisme. C’est le premier de ces deux procédés qui a constamment fait obstacle à l’application du second, là où elle eût été légitime. Nous allons nous en rendre compte.

Les dieux principaux des nations, à l’époque de la foi polythéiste positive, étaient des personnes, et, dans la partie de cet anthropomorphisme multiple qui se rap portait au gouvernement des phénomènes naturels, la chose, aspect relatif au phénomène sensible, ne se détachait pas de la personne, en laquelle on pensait l’être durable et la cause permanente dont on le faisait dépendre. L’indivision de deux idées si différentes pour nos habitudes actuelles de penser nous étonnerait moins, si nous songions que l’idée d’une chose ne se constitue qu’à l’aide d’une double abstraction : 1o il faut, pour définir un phénomène, le distinguer d’un entourage de faits concomitants dont les rapports de dépendance ne sont éclairés que par une longue étude ; 2o il faut distinguer la cause de la qualité, dans l’objet sensible, et c’est ce qui n’a pas toujours été aussi naturel qu’il paraît l’être devenu. Or la cause est toujours pensée comme du genre de la volonté et provenant d’une personne, tant que l’expérience de la liaison des phénomènes, là où elle est constante, n’a pas établi une routine qui substitue à l’idée propre de la causation celle de la nécessité de fait, et, chez le savant, à l’habitude des séquences uniformes le concept de loi naturelle. Contrairement à la théorie psychologique de Hume, l’habitude a combattu, loin de la faire naître, la notion de la causalité, qui est naturelle, primitive et inséparable du sentiment de la volonté, et elle en a exclu de plus en plus l’application aux connexions des phénomènes naturels.